Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/157

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sa chute des touffes de longues herbes qui croissaient dans les anfractuosités des rochers, presque à fleur d’eau, et il avait écrasé les roseaux dont les feuilles longues et épaisses se joignaient aux tiges des herbes et formaient un rideau impénétrable à la vue. En disparaissant, ce rideau laissait voir une ouverture béante comme un soupirail, qui semblait être l’entrée d’un canal assez large, quoi que fort sombre.

C’était en effet, on s’en souvient peut-être, l’ouverture du canal souterrain dans lequel Baraja avait vu la veille s’engager, dans leur canot d’écorce, Main-Rouge et Sang-Mêlé.

Mais le Canadien ignorait cette circonstance, et il réfléchissait, avec la sagacité qu’avait développée chez lui sa longue expérience, au parti qu’il pourrait tirer de cette découverte, si la famine, plutôt que l’ennemi, les forçait à fuir. Tout en y songeant, Bois-Rosé ne perdait pas de l’œil le point de jonction où la chaîne de rochers qui servait de fort aux assiégeants s’unissait aux Montagnes-Brumeuses, dont elle semblait un capricieux prolongement.

Selon toute apparence, le compagnon de l’Indien que sa carabine venait d’abattre, convaincu de l’inutilité comme du péril du poste élevé qu’il occupait, se replierait sur les autres assaillants. L’étroit sentier joignant les rochers aux montagnes n’était pas tellement abrité qu’il n’y eût un espace suffisant pour viser l’homme qui s’y trouvait engagé.

Bois-Rosé ne s’était pas trompé. Son œil perçant ne tarda pas à distinguer le panache flottant d’un guerrier Indien, qui, tour à tour, s’élevait ou s’abaissait, et disparaissait pour reparaître bientôt.

Un moment le panache de plumes d’aigle resta immobile. Certain que son ennemi l’observait, le Canadien ne bougea pas et parut tourner la tête dans une direction différente. Le guerrier sauvage, soit pour viser plus