Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que se trouvât le trésor, si je m’étais trompé d’emplacement ?… »

Main-Rouge avait mal compris Baraja, et ses yeux étincelèrent de rage. Il dégaina son couteau.

« Ainsi, dit-il d’une voix sourde, vous avouez nous avoir sciemment trompés… Ah ! il n’y a plus de trésors !

— Silence, trafiquant de chevelures indiennes, s’écria à son tour le métis d’une voix tonnante. L’âge trouble votre intelligence. Cet homme ne dit point que le trésor n’existe pas. Et puis, que vous importe ? ajouta-t-il ; qui vous dit que je consentirai à le partager avec vous ? Ah ! dit en rugissant le renégat, vous ne partagerez pas avec moi, fils d’une louve indienne ! Eh bien… »

Les deux bêtes féroces se mesurèrent un instant de l’œil, comme si la lutte sacrilège qu’avait racontée Pepe allait se renouveler.

« Allons, allons, dit le métis, qui était peut-être le seul au monde qui eût pris de l’ascendant sur le farouche Américain, si je suis content de vous, je vous jetterai quelques os à ronger ; mais je prendrai la part du plus fort, entendez-vous ? »

Le vieux renégat gronda sourdement et n’ajouta plus rien ; puis Sang-Mêlé se recoucha en aspirant la fumée de son calumet.

Quand le métis eut secoué les dernières cendres de sa pipe, il se leva lentement, comme le tigre qui s’étire après son sommeil, aux premières teintes du crépuscule du soir, et flaire le vent, prêt à se mettre en chasse.

« Il est temps d’en finir, dit-il au vieux Main-Rouge, qui, après l’orage qui avait été près d’éclater, était retombé dans une apathie complète. Voyons si la mort de trois des leurs aura éteint ou ranimé la soif de la vengeance dans l’âme de nos alliés.

– Ils n’en seront que plus obstinés à vouloir leurs trois ennemis en vie, répondit l’Américain ; vous le savez comme moi, et qui peut prévoir quand nous pourrons