Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parvenir à nous en rendre maîtres ? Le temps presse, et mon avis est que, sans tant de façons, nous fassions en sorte de les tuer le plus tôt possible.

– Vraiment ! reprit Sang-Mêlé d’un air moqueur ; la soif de l’or vous talonne, c’est fort bien ; mais comment vous y prendrez-vous pour faire sortir ces renards de leur terrier et les tuer sans tant de façons ? »

Le renégat chercha quelques moments une réponse satisfaisante à la question de son fils, et, faute d’en trouver une, il garda le silence.

« Vous voyez, continua Sang-Mêlé, que vous n’en viendrez pas facilement à bout sans l’aide de ces Indiens, et voilà pourquoi je veux savoir s’ils persistent dans leur projet d’amener à leur chef ses trois ennemis pieds et poings liés. Quoique, pour mon compte, je préférerais la moindre parcelle de l’or que nous promet ce loup-cervier blanc à tout le sang contenu dans les veines de ces trois chasseurs…

– Sang-Mêlé est dans un de ses jours de clémence, interrompit ironiquement le brigand américain ; qu’il en soit à votre fantaisie et à celle de ces… Indiens ; mais finissons-en. »

Sans plus tarder, le métis toucha du doigt l’un des guerriers sauvages couchés au-dessus de lui. L’Indien se retourna et descendit. C’était celui qui s’était désigné lui-même sous le nom de Chamois. Il fixa sur Sang-Mêlé deux yeux ardents dans lesquels se lisait un ressentiment sombre, qu’on eût été embarrassé d’attribuer à la défiance plutôt qu’au mécontentement, et qui exprimait peut-être l’un et l’autre.

« Que veut El-Mestizo à l’Indien qui regrette trois de ses frères ? demanda le guerrier.

– Savoir une chose qui m’embarrasse, dit Sang-Mêlé : c’est de trouver le moyen de prendre vivants ces trois guerriers blancs, dont les mains sont si rouges du sang indien. Un nuage qui obscurcit l’esprit de Sang-Mêlé