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– Sang-Mêlé, dont l’esprit est si subtil, n’aurait pas dû en laisser déjà tuer trois autres, dit l’Indien d’un ton de reproche.

– Sang-Mêlé ne commande pas à son esprit, il attend ses inspirations quand elles veulent venir. Je dis encore : trois guerriers doivent laisser ici leurs ossements.

– Qu’importe ? dit héroïquement l’Indien, l’homme est né pour mourir. Qui sont ceux d’entre nous qui ne reverront plus leur village ?

– Le sort en décidera, répondit le métis.

– Bon, il n’y a plus de temps à perdre, ou l’Oiseau-Noir trouverait que ses guerriers ont été bien longs à se décider à mourir. »

Alors le Chamois fit part à ses compagnons des intentions du métis, et tous, avec plus ou moins d’empressement, mais sans exception, acceptèrent la terrible proposition qui leur était faite.

Restait à connaître le plan du métis.

Ce plan, que l’adresse justement célèbre de Main-Rouge et Sang-Mêlé, jointe à l’héroïsme de leurs alliés, rendait d’une exécution aussi facile que terrible, le lecteur le connaîtra plus tard et pourra en juger. Disons en attendant qu’après l’avoir exposé, le métis s’appuya d’un air théâtral sur le canon de sa carabine, comme s’il eût voulu provoquer une explosion de joie de la part de ses sauvages auditeurs.

Ceux-ci ne la firent pas attendre, et des hurlements de vengeance satisfaite, répétés par deux fois, accueillirent les dernières paroles d’El-Mestizo.

Par deux fois aussi les assiégés y répondirent.

Puis on procéda au tirage de la loterie de mort.

La passion du jeu est plus généralement répandue qu’on ne pense chez les peuplades sauvages d’Amérique. Elle est parfois si violente, que, malgré leur ardeur pour la chasse aux animaux ou la chasse à l’homme, elle l’emporte souvent sur leur soif de sang.