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« Obliquez le canon de votre carabine, Pepe, s’écria le Canadien. Là !… bien ! qu’il ne dépasse pas la pierre qui vous couvre… et maintenant… »

Une explosion de la carabine du chasseur espagnol interrompit le Canadien, qui, moins bien placé que Pepe, avait cédé à celui-ci le soin de la vengeance commune.

Baraja, frappé à la tête, déroula son corps comme un serpent blessé, et l’appui lui manquant, il glissa sur le flanc des rochers, entraînant avec lui un pan de la draperie de verdure qui les tapissait, et tomba dans le val d’Or. Là, dans les dernières convulsions, ses mains crispées tracèrent un long sillon au milieu de cet or qu’il payait de son sang et qu’il mordit en expirant.

Par un hasard presque providentiel, le pan de verdure qu’il avait entraîné avec lui voila de nouveau le trésor à l’œil de tout homme qui en ignorait l’existence. À l’exception de Diaz et des trois chasseurs, ce fatal secret avait coûté la vie à tous ses possesseurs.

Quant à Baraja, son expiation avait été complète. La peine du talion l’avait atteint avec son inexorable rigueur. Les tortures morales qu’il avait endurées au fatal poteau vengeaient celles d’Oroche, et comme le gambusino, emportant son or avec lui dans l’abîme, Baraja venait de rendre le dernier soupir sur le trésor qu’il avait si ardemment convoité.

« Le coquin est dans l’or jusqu’au cou, dit philosophiquement Pepe.

– Dieu est juste, » ajouta le Canadien.

Et les trois justiciers du désert échangèrent un regard de vengeance satisfaite.

« Cherche maintenant où est le trésor qu’on t’avait promis, métis du diable, dit l’Espagnol ; décidément j’ai bien fait de voiler la surface du vallon. »

Le ciel s’était couvert petit à petit pendant cette nouvelle exécution, et l’écho répéta les premiers et sourds grondements du tonnerre lointain ; puis un profond et