Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/185

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tend, sans faiblesse, l’instant d’en être débarrassé.

« Fabian, mon fils, dit tristement le Canadien, j’avais eu trop de confiance jusqu’à présent dans ma force et dans mon expérience ; à quoi m’ont servi cette expérience et cette force dont j’étais si fier. C’est mon imprudence qui vous a perdus. Fabian, Pepe, me pardonnerez-vous ?

– Nous parlerons de cela plus tard, répondit le miquelet, qui sentait renaître petit à petit son courage et son esprit agressif et railleur ; vos armes ont été brisées dans vos mains comme elles l’eussent été dans les miennes, et voilà tout. Mais croyez-vous que nous n’ayons rien de mieux à faire que de nous lamenter comme des femmes, ou que d’attendre la mort comme deux bisons blessés !

– Que voulez-vous que vous dise un chasseur dont un daim pourrait venir à présent lécher les mains sans danger ? répondit le Canadien humilié.

– Il est évident que nous pouvons fuir d’ici avant la nuit ; nous allons faire une sortie contre les assiégeants. Fabian, de ce poste élevé, nous protégera de sa carabine. Voyez-vous, ce sont de ces coups d’audace qui réussissent toujours. Eh bien, il y a là-bas sous ces pierres quatre coquins qu’il faut aller égorger dans leurs trous. Le jour est presque aussi sombre que la nuit, et nous serons deux contre quatre, c’est bien assez. »

Puis, s’adressant à Fabian, qui approuvait le projet hardi de Pepe :

« Vous, reprit l’Espagnol sans trop perdre de vue les coquins sur les rochers, sans vous découvrir surtout, vous surveillerez ceux de la plaine. Si ces derniers nous aperçoivent, et que l’un d’eux bouge, tirez sur lui ; sinon… le reste nous regarde. Allons, Bois-Rosé, c’est sans doute aussi votre opinion. Eh bien, en route ! Don Fabian, quand le coup sera fait, je reviendrai vous chercher, et nous décamperons. »