Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/186

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Ces deux hommes qui, un instant, avaient ployé comme deux chênes tourmentés par la tempête jusqu’à leurs racines, allaient bientôt se relever comme eux et braver de nouveau l’orage.

Le Canadien obéit à un avis qui lui souriait par sa témérité même, et que l’obscurité ne rendait pas impraticable ; puis Bois-Rosé, outre le salut de son fils à opérer, avait une humiliation amère à venger.

Un coup d’œil jeté d’abord sur la plaine, du côté opposé aux rochers leur prouva que rien n’était changé autour d’eux ; alors les deux chasseurs, le couteau entre les dents se laissèrent glisser si rapidement du sommet de la pyramide, que Fabian les croyait à peine partis, quand déjà tous deux marchaient, en se courbant, le long des roseaux du lac.

Fabian, plus occupé de suivre leurs mouvements et de protéger leur vie que la sienne propre, se laissa captiver par le spectacle plein d’un terrible intérêt que lui offraient les deux intrépides compagnons d’armes.

Les larges dalles qui recouvraient les Indiens restaient aussi complètement immobiles que si elles eussent été en réalité des pierres tumulaires scellant des morts dans leur tombeau. Rassuré par la tranquillité morne qui régnait de ce côté, Fabian observa avec moins d’anxiété les manœuvres du Canadien et de l’Espagnol.

Tous deux avaient fait halte et semblaient se consulter une seconde fois ; puis il les vit entrer doucement dans les roseaux dont les bords du lac étaient couverts, et disparaître. Le vent d’orage agitait si violemment ce fourré mobile, que l’ondulation imprimée par la marche des deux chasseurs ne devait pas donner l’éveil aux Indiens.

Débarrassé du soin de surveiller ses deux amis devenus invisibles, et que l’obscurité et l’épaisseur des joncs et des roseaux protégeaient suffisamment, rassuré maintenant sur le résultat de leur audacieuse tentative, Fabian