Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/187

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se hâta de regagner son poste au bord opposé de la plate-forme.

Il était temps.

Mais, afin de ne pas jeter de confusion dans le récit des deux actions simultanées, nous ne nous occuperons, pour un seul instant, que du coureur des bois et du chasseur espagnol.

Après que Fabian les eût vu disparaître, enfoncé dans la vase couverte de roseaux, ils avaient fait halte de nouveau. Leurs yeux ne pouvaient percer le rideau de plantes aquatiques qui les cachait ; mais ils savaient que du haut de l’éminence, Fabian plongeait sa vue bien au delà.

Au milieu de l’obscurité du ciel, parmi les hauts roseaux dont le vent courbait les verts panaches, les bords du lac paraissaient complètement déserts

« Si, dans une minute, dit le Canadien, nous n’entendons pas retentir la carabine de Fabian, ce sera signe que les Indiens ne nous ont pas vus descendre de la colline ; alors, comme ils sont cachés à égale distance à peu près les uns des autres, et sur la même ligne, nous nous élancerons chacun à une extrémité. Poignardez le dernier, j’écraserai le premier sous sa pierre, et, quant aux deux autres, pris entre nous deux, effrayés de la mort de leurs compagnons, nous en aurons bon marché, croyez-moi.

– J’y compte bien, caramba ! » dit Pepe.

Ce plan était effrayant de simplicité, et, pendant une minute que le tonnerre grondait, que les éclairs couraient comme des serpents de feu sur la plaine et dardaient de longs rayons à travers les roseaux, les deux chasseurs s’attendaient à chaque instants à entendre la détonation de la carabine de Fabian.

L’impatience les dévorait, et, à l’impatience nerveuse causée par l’excitation du danger, se joignait, chez Bois-Rosé, l’inquiétude et comme un remords d’avoir laissé