Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/188

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le trésor de sa vie, son Fabian bien-aimé, exposé seul à un terrible danger, même quand il s’agissait de le sauver.

En vain, depuis le court espace de temps que son fils avait été rendu à sa tendresse, celui-ci avait-il donné des preuves d’un courage qui ne le cédait en rien au sien ; Bois-Rosé, au milieu de sa vie de périls, ne continuait à voir dans l’énergique et robuste jeune homme que l’enfant aux cheveux blonds et bouclés dont il avait, pendant deux ans, protégé la faiblesse.

Le Canadien frémissant tremblait d’entendre s’élancer du haut de la colline jusqu’à lui le cri d’angoisse de Fabian, qui appellerait à son aide. D’étranges rumeurs résonnaient en effet dans la plaine.

Le vent sifflait dans la prairie avec un bruit lugubre comme le bruit de sa solitude éplorée.

« Il est temps, dit Bois-Rosé, car l’enfant est seul… Allons, Pepe… vous savez… le premier et le dernier. »

Les roseaux se courbèrent dans un large espace, comme sous des rafales impétueuses du vent du Sud, et semblables à deux tigres du Bengale qui s’élancent du milieu des jungles sur leur proie, sans un rugissement, mais aussi agiles que silencieux, les deux chasseurs bondirent dans la plaine.

Avec une précision prodigieuse d’instinct sauvage, chacun des terribles lutteurs courut droit à son ennemi, Bois-Rosé au premier, Pepe au dernier.

En ce moment, le son bien connu de la carabine de Fabian retentit au loin. Bois-Rosé tressaillit, mais il ne pût s’arrêter ; d’ailleurs, le coup de carabine de Fabian avait résonné seul, et il fallait en finir avec leurs ennemis.

Confiant dans la vigueur de ses bras, au moment où l’Indien, averti trop tard par le retentissement du sol, essayait de sortir par l’ouverture étroite qu’il s’était ménagée dans l’une de ses crevasses, le Canadien pressa