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chacun de son côté au milieu du brouillard éternel des Montagnes-Brumeuses.

Quand Baraja eut perdu de vue le gambusino, dont la brise du matin faisait frémir le manteau comme les haillons qui servent d’épouvantail au milieu d’un champ de blé, il s’arrêta et examina les lieux. Ce n’était pas afin de chercher le chemin le plus court pour arriver à la fourche de la rivière.

Nous ne surprendrons personne en disant qu’il ne songeait pas plus à regagner le camp qu’à revenir se livrer aux chasseurs qu’il fuyait. Baraja n’était pas si simple : il cherchait tout bonnement un endroit commode et sûr pour faire une courte sieste, en laissant Oroche se morfondre à l’attendre au rendez-vous convenu.

L’avide chercheur d’or ne voulait pas trop s’éloigner cependant : il comptait presque sur quelque faveur inattendue de la fortune qui lui ouvrirait ce nouveau jardin des Hespérides, objet de sa convoitise.

Mais Baraja comptait sans les trois formidables hôtes du désert et sans la sympathie de son ami, et l’on sait qu’en pareil cas on est forcé de compter deux fois.

Non loin de lui, un enfoncement dans un rocher, dont le fond était tapissé de longues herbes sèches, s’offrit à ses regards.

Baraja descendit de son cheval, le débrida pour qu’il pût paître à l’aise, tira d’un petit sac de cuir suspendu à sa selle une poignée de farine grossière de maïs, et, avec quelques gouttes d’eau versées de son outre dans une calebasse, il eut bientôt composé un frugal déjeuner.

Étendu sur sa couche et roulé dans son manteau, il s’était en vain flatté de dormir un instant : sous ses paupières fermées, l’or du vallon jetait des étincelles qui chassaient le sommeil ; des feux follets semblaient danser devant lui comme pour l’inviter à les suivre. Puis enfin une soudaine et terrible pensée le fit tressaillir : peut-