Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/21

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être Oroche guettait-il un assoupissement passager pour venir le surprendre et se défaire de lui.

Baraja se leva, il regarda attentivement tout autour ; mais la solitude et le silence régnaient partout, et le vent du désert murmurait seul son chant plaintif.

« Bah ! se dit-il en se recouchant, Oroche m’attendra cinq minutes, puis il ira au… »

Baraja interrompit sa phrase commencée ; la brise venait de lui apporter un hennissement de cheval bien distinct.

« Oh, oh ! pensa-t-il, Oroche serait-il resté dans ces montagnes pour ne pas s’exposer à m’attendre là-bas jusqu’au jugement dernier ! »

Baraja brida promptement son cheval et s’élança en selle, la carabine au poing.

Il n’eut pas marché quelques minutes, qu’il aperçut presque sous ses pieds un spectacle aussi inquiétant qu’inattendu.

L’endroit où il était arrivé était un large pont d’une seule arche, jeté par la nature sur une des ramifications de la rivière, dont un des deux bras se frayait un passage à travers la chaîne des Montagnes-Brumeuses.

Ce courant d’eau, peu large et peu profond, disparaissait sous la voûte du pont, et allait, après avoir parcouru un long espace sous terre, former et alimenter le lac près du val d’Or.

Un canot d’écorces de bouleau, monté par deux hommes, suivait le cours de l’eau, et, par une chance sans doute heureuse pour l’aventurier, au moment où il jetait un regard surpris sur ces deux personnages, leur embarcation disparaissait sous l’arche du pont.

Baraja eut cependant le temps de considérer en détail l’étrange costume de ces inconnus, qu’on verra jouer avant peu un rôle aussi marquant que terrible.

Il semblait que ces lieux jusqu’alors si déserts fussent tout à coup devenus le rendez-vous d’un des individus