Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/205

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elle a aussi quelques avantages : elle fait naître des regrets qui plaident pour l’objet qui les excite, elle laisse le souvenir de la séparation, souvenir toujours tendre, et elle prête à l’absent, comme l’azur lointain au paysage, un charme infini : mais quelquefois elle ne doit pas se prolonger, et celle du pauvre Fabian menaçait d’être bien longue. Disons cependant que son image, malgré toutes les séductions employées par un rival présent, restait encore gravée dans le cœur de Rosarita.

Tel était l’état des choses à l’hacienda del Venado environ une quinzaine de jours après le départ de don Estévan, c’est-à-dire un peu avant l’époque où nous avons retrouvé, asseyant son camp dans le désert, l’expédition que commandait le seigneur espagnol.

Don Augustin avait attribué à la solitude seule au milieu de laquelle vivait sa fille la mélancolie dont son visage portait l’empreinte. Il ressentait lui-même tout le poids d’une inaction incompatible avec son caractère ardent, et le retour de son vaquero, avec la nouvelle de la découverte d’un aguage auprès duquel on avait rencontré une nombreuse troupe de chevaux sauvages, fut une occasion qu’il saisit avec empressement pour distraire doña Rosarita et satisfaire sa propre passion de chasseur. L’occasion était d’autant plus propice que l’aguage se trouvait plus éloigné de l’hacienda. Ce n’était plus une course dans les environs, c’était un voyage de quatre jours.

Depuis plusieurs années on n’avait signalé dans le pays aucune trace d’Indiens ; ce n’étaient donc que quelques jours de fatigue amplement compensée par l’émouvant spectacle d’une chasse pleine d’intérêt, que les Mexicains de ces contrées lointaines recherchent avec autant d’avidité que celui d’une course de taureaux.

Nous sommes au moment du départ de l’hacienda.

Les chevaux sellés piaffaient dans la cour près du perron.