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de chaque classe d’hommes qui parcourent les déserts américains.

Baraja n’était pas au bout de ses émotions et de ses surprises. À peine les deux sinistres navigateurs venaient-ils de disparaître, qu’une nouvelle source de terreur s’ouvrit devant le chercheur d’or.

Inquiet du hennissement qu’il avait entendu, Baraja se remit à regarder autour de lui. Il était temps.

Au milieu de la brume, un homme, la carabine à la main, s’avançait de son côté, le canon de son arme dirigé contre son corps.

Cet homme n’était pas méconnaissable à ses yeux.

C’était Oroche.

Baraja se jeta à bas de cheval pour se dérober au coup qui le menaçait et viser lui-même plus à son aise.

Un éclat de rire de son ami arriva jusqu’à lui avec ces mots :

« Vive Dieu ! seigneur Baraja, vous ressemblez si bien de loin à Cuchillo, que j’allais commettre sur votre personne une erreur que j’aurais déplorée…

– Jusqu’au jour du jugement ? interrompit Baraja avec ironie.

– Et peut-être au delà. Mais, seigneur Baraja, si, maintenant que nous sommes en pays ami, nous désarmions, que vous en semble ?

– Volontiers, » reprit Baraja, qui ne se souciait pas plus que son ami d’un duel périlleux qu’il pouvait remplacer plus tard par un guet-apens.

Et tous deux, rejetant leur carabine sur l’épaule, s’avancèrent l’un vers l’autre, mais dans l’attitude d’une paix armée.

« Qui diable eût pu se douter que vous fussiez là ? s’écria Oroche.

– Et vous donc ? dit Baraja.

– L’air des montagnes m’est si salutaire ! répliqua impudemment Oroche.