Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/214

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C’était un homme de grande taille, et en apparence doué d’une vigueur égale à celle des animaux qu’il chassait par profession. Il semblait y avoir dans sa prière plus de ferveur qu’on n’en met d’habitude à cet acte quotidien. C’était en effet, de la part du robuste et sauvage chasseur de bisons, l’accomplissement d’un vœu qu’il avait fait dans un grand péril.

Au moment où il achevait sa fervente oraison, le gros dogue couché sur l’herbe fit entendre un nouveau hurlement de douleur.

« Je crois, le diable m’emporte ! dit le chasseur en quittant sa posture pieuse et en revenant à ses habitudes de langage, qu’à force de vivre parmi les Indiens, Oso (c’était le nom du dogue) a pris leurs usages. Ne dirait-on pas d’un de ces Peaux-Rouges hurlant sur le tombeau d’un mort ?

– Vive Dieu ! Encinas, dit un autre chasseur qui faisait ses ablutions dans le lac, vous ne flattez pas les chiens ; j’aime mieux croire, pour leur honneur, que les Indiens, au contraire, leur ont emprunté ces hurlements.

– Quoi qu’il en soit, répliqua Encinas, Oso pleure son camarade, qu’un de ces coquins d’Apaches a cloué sur la terre d’un coup de lance. Il est vrai qu’il en avait étranglé déjà deux. Ah ! mon pauvre Pascual, j’ai bien cru alors que de ma vie je ne chasserais plus de bisons avec vous ni avec d’autres, quand, au moment où je m’y attendais le moins… »

Le chasseur de bisons, qu’on appelait Encinas, fut interrompu par son compagnon, qui craignait d’entendre une fois de plus un récit dont il connaissait à fond les moindres détails.

« Allons, Encinas, dit-il, maintenant que vous avez accompli votre vœu de venir pieds nus prier devant la madone du lac, et que ces vaqueros n’ont plus besoin de nos services, il serait temps, je crois, de nous remettre en chasse ; nous avons déjà perdu trois jours, et nos