Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/218

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maîtresse, devenue de force la femme du chef, et qu’il s’était réfugié chez les Comanches, qui l’avaient adopté. Il avait donc apporté à sa peuplade d’adoption un bras solide et un cœur aussi intrépide que plein de haine pour les Apaches, ainsi qu’il en a donné bien souvent la preuve.

« Après avoir marché quelque temps, j’entendis le guide qui était en tête dire à mon compère : « J’ai vu dans la plaine les traces d’El-Mestizo et de Main-Rouge : attention ! »

« Qu’étaient Main-Rouge et El-Mestizo ? je n’en savais rien. Le Comanche marchait donc en avant, monté sur un cheval d’un grand prix, ma foi, interrogeant la plaine du nez et de l’œil.

« J’avais été obligé de rester à quelque distance de lui avec mes deux chiens, Oso et Tigre, que je tenais en laisse et muselés ; car ces animaux, dressés par moi à combattre les Indiens, voulaient à chaque instant s’élancer sur le nôtre. Cependant je ne perdais pas le guide de vue. Nous traversions la grande plaine des Cotonniers, où ces arbres forment comme une forêt, quand tout à coup j’entendis l’Indien pousser un hurlement terrible ; je le vis au même instant, accroché par le pied au pommeau de sa selle, se couler le long de son cheval et le mettre au galop. Un bruit comme le sifflement de cent reptiles se fit aussitôt entendre…

– C’était donc plein de serpents à sonnettes ? » s’écria le novice en ouvrant de grands yeux.

Le robuste chasseur de bisons partit d’un bruyant éclat de rire, à cette question du novice.

« C’était une nuée de flèches, reprit-il ; quelques coups de fusil s’y mêlèrent aussi, comme le tonnerre qui frappe au milieu de la grêle, et je vis mon compère don Mariano, le viandante et les neuf vaqueros, tomber à bas de cheval.

– Ça se conçoit, répéta le novice.