Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/236

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cueillies pour elle. Une fraîche bise plissait la nappe tranquille de l’eau, sur laquelle elle jetait des regards pensifs. Blanche et gracieuse comme une ondine, Rosarita tout en écoutant le chasseur de bisons, rêvait aux dangers qui environnent les voyageurs isolés dans le désert. Ce n’était point à elle qu’elle pensait ; toutes ses idées se portaient vers le jeune homme qui s’était si soudainement éloigné la nuit, et dont elle n’avait pas entendu parler depuis quinze jours.

À quelques informations timides qu’elle avait prises, il avait été répondu que ni sur la route de Guaymas, ni sur celle d’Arispe on n’avait rencontré le fils adoptif d’Arellanos. Un vaquero avait vu sa cabane déserte, et rien n’indiquait son retour aux lieux où s’était écoulée sa jeunesse. Ce n’était donc que vers Tubac qu’il avait pu se diriger, et c’était près de Tubac que commençaient les dangers dont elle s’effrayait pour lui. Encinas venait du préside, et la jeune fille espérait que peut-être il pourrait lui donner quelques renseignements sur celui dont son esprit n’avait cessé d’être occupé.

Le crépuscule commençait déjà à assombrir la surface du lac, qui reflétait les dernières teintes rouges du soleil couchant. Déjà l’on voyait, du sein des eaux, s’élever de légères vapeurs qui bientôt allaient s’étendre comme un voile. C’était l’heure où les oiseaux dans les bois se cachaient sous le feuillage et faisaient entendre les dernières notes de leur chant d’adieu au jour. Rosarita, pensive et rêveuse, prêtait l’oreille au murmure harmonieux de la brise du soir, et semblait plongée dans une vague mélancolie.

Fille des tropiques, Rosarita aimait, et les premiers et mystérieux murmures de ses sens, éveillés tout à coup, portaient le trouble et l’agitation dans son cœur. Heureux celui dont le souvenir fait naître ces enivrantes sensations dans le sein de la vierge qui s’ignore encore, comme la fleur à peine ouverte ignore son parfum ! mais