Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus heureux mille fois s’il est là près d’elle pour aspirer le premier parfum de la fleur qui s’épanouit !

« Comme j’ai l’honneur de vous le répéter, madame, disait Encinas, qui s’apercevait des distractions de Rosarita, le préside, au moment où je m’y trouvais, était solitaire comme d’habitude, et, à l’exception des chercheurs d’or, dont la présence l’avait un instant animé, on ne se souvenait pas de l’arrivée d’un seul voyageur depuis un grand mois.

– Ce fut à peu de distance du préside que vous fûtes attaqué par les Indiens ?

– À trois lieues à peine, quand un brave et beau jeune homme arriva… »

Rosarita tressaillit involontairement.

– Ah ! oui, dit-elle tristement en reconnaissant sa méprise, c’est vrai, ce jeune Comanche qui vous dégagea. »

La jeune fille avait, sans le vouloir, confondu un instant l’homme brave, beau et jeune dont parlait Encinas avec celui que son cœur nommait tout bas.

« Mais ces guerriers sauvages sont affreux à voir.

– Cela dépend dans quel moment, reprit Encinas en souriant ; celui-là me parut beau comme un ange du ciel. »

Rosarita interrompit le chasseur de bisons par un cri d’effroi perçant qui fit accourir en toute hâte don Augustin, le sénateur et leurs gens.

Il semblait que les paroles du conteur eussent évoqué le fantôme de l’un de ces terribles Indiens dont il avait parlé. Encinas, surpris, suivit de l’œil la direction qu’indiquait doña Rosario d’une main tremblante et la pâleur sur le visage.

L’objet, ou plutôt le personnage qu’elle désignait, était de nature, en effet, à justifier sa terreur.

Sous la voûte de feuillage arrondie au-dessus du canal sombre où se perdaient les eaux du lac, une créature humaine s’avançait avec précaution.