Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/239

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lait aux plis du turban, et la queue ainsi que la tête du reptile, l’une garnie encore de ses crotales et l’autre de ses dents aiguës, pendaient sur son épaule.

Quant à son visage, si on l’eût dépouillé des peintures qui en défiguraient la régularité et la grâce, il eût complètement justifié les éloges d’Encinas. Un front élevé sur lequel se peignaient la bravoure et la loyauté, des yeux noirs et pleins de feu, un nez romain, enfin une bouche fine et fière à la fois, donnaient au jeune guerrier un air de majesté imposant. On aurait cru voir en lui la reproduction en bronze florentin d’une statue antique d’un galbe irréprochable.

Calme, et d’un air d’insouciance, l’Indien s’avançait en dédaignant de voir l’effroi qu’il produisait ; cependant il arrêta un instant un regard étonné et ravi à la fois sur la figure de Rosarita, pâle comme la blanche mousseline de sa robe.

La timide tourterelle qui, pour échapper au milan qui va fondre sur elle, n’hésite pas à chercher un refuge sous les épines aiguës du nopal, n’est pas plus tremblante que Rosarita se pressant, pleine de terreur, contre le sauvage chasseur de bisons. La tourterelle n’est pas plus gracieuse non plus ; l’Indien, fasciné, l’œil ardemment fixé sur la fille de don Augustin, ne répondit aux regards interrogateurs d’Encinas que par les deux questions suivantes, empreintes de toute la pompe orientale du langage indien :

« A-t-il neigé ce matin sur les bords du lac ? dit-il, ou les lis des eaux poussent-ils maintenant dans l’herbe des bois ? »

Nous ne saurions dire si le jeune guerrier paraissait toujours aussi hideux aux yeux de la jeune fille ; toujours est-il qu’elle cessa de se presser contre le chasseur de buffles.

Cependant les inquiétudes de ce dernier n’étaient pas tout à fait calmées, et aux galantes et hyperboliques