Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/24

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– Voyons, soyez franc, vous ne vous souciez pas de retourner au camp, même ensemble, fit Baraja.

– Ni vous plus que moi.

– Vous voudriez me voir à tous les diables, seigneur Oroche ?

– Et vous, vous voudriez m’y envoyer, seigneur Baraja. »

Baraja fixa sur son compagnon un regard ironique.

« Ne le niez pas, seigneur Oroche, dit-il, vous ne voulez me faire passer le premier que pour me lâcher par derrière un coup de carabine.

– Oh ! qui peut vous le faire supposer ? répliqua Oroche.

– Eh ! parbleu ! le désir que j’ai moi-même de me débarrasser de vous.

– Votre franchise excite la mienne, reprit le gambusino aux longs cheveux. J’ai osé concevoir cette idée meurtrière ; mais je réfléchis que, lorsque je vous aurais tué, je n’en serais pas plus fort contre cet enragé Canadien, et j’y renonce.

– Et moi aussi.

– Jouons cartes sur table, continua Oroche ; nous ne retournerons pas au camp, et nous nous embusquerons dans ces montagnes. Il se présentera bien cette nuit quelque occasion de nous défaire de ces envahisseurs étrangers quand ils dormiront. Quant à don Estévan et à Diaz, nous n’avons, hélas ! que trop de raisons de croire qu’une mort prématurée a mis fin à leur carrière. Dès lors, n’étant plus que deux à partager le val d’Or, nous n’aurons plus besoin de nous égorger mutuellement, fi donc ! des gens si riches que nous le serons ne doivent, au contraire, chercher qu’à prolonger leur vie. Pour gage de ma franchise, je passe le premier.

– Je réclame cet honneur, s’écria Baraja.

– Je tiens à vous prouver mon repentir.