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– J’ai le plus vif désir que vous oubliiez mon égarement. »

Les deux drôles insistaient d’autant plus fortement qu’ils avaient plus que jamais envie de se défaire l’un de l’autre : seulement ils ajournaient à une autre époque l’exécution de leur projet.

Oroche passa enfin le premier, sans défiance et sans même songer à tourner la tête. Jugeant son compagnon d’après lui-même, il était convaincu que Baraja ne chercherait à se défaire de lui qu’après avoir tenté tous les moyens de l’employer comme un instrument à l’accomplissement de son dessein.

La route, quoique peu longue pour gagner l’endroit où, non loin d’eux, la cascade se précipitait dans le gouffre derrière le sépulcre indien, offrait mille difficultés au pas de leurs chevaux.

Le sentier étroit qui y conduisait était pratiqué dans un terrain bouleversé par des éruptions volcaniques qui devaient être de date récente, à en juger par le bruit sourd qui grondait dans les entrailles de la montagne. Parsemé de fragments de rochers qui obstruaient le passage et qu’il fallait franchir, ce sentier était d’autant plus dangereux que, de distance en distance, il longeait de profonds précipices où, au moindre faux pas, cavaliers et chevaux se seraient engloutis.

Au milieu de cette scène sauvage, la cascade, cachée à la vue des aventuriers faisait entendre sa voix tonnante.

Tout à coup Oroche arrêta si brusquement son cheval que celui de Baraja le heurta par derrière.

« Qu’est-ce ? » demanda celui-ci à voix basse à Oroche, qui, les yeux fixés devant lui, faisait signe de la main de garder le silence.

Baraja n’eut pas besoin de renouveler sa question.

À travers les vapeurs grisâtres et à peine transparentes, apparaissait confusément un homme, les cheveux tout dégouttants d’eau, les vêtements souillés de vase, étendu