Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/241

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neiges, dit-il avec gravité. Si les yeux de Rayon-Brûlant n’étaient pleins de l’image de la compagne qu’il s’est choisie, ils auraient soudain été privés de la lumière par l’éclat de la femme qui habite une loge faite d’un morceau du ciel. C’est une demeure digne d’elle ; Sang-Mêlé veut pour lui la Fleur-du-Lac. »

À cette poétique allusion à sa beauté ainsi qu’à la couleur d’azur de sa tente de soie, Rosarita baissa les yeux sous le regard de feu de l’hôte des bois, et garda le silence.

« N’avez-vous pas deux guerriers avec vous ? dit Encinas.

– Tous deux ont regagné leur peuplade ; Rayon-Brûlant est seul, mais il a juré de venger la mort de ceux qui s’étaient confiés à sa parole ; il veillera aussi sur la Fleur-du-Lac ; mon frère veillera de son côté. Maintenant Rayon-Brûlant, content d’avoir averti ses amis, retourne seul sur les traces qu’il a un instant quittées. »

En disant avec une noble simplicité ces mots pleins d’emphase, le jeune Comanche tendit la main au chasseur de bisons, et, après avoir jeté de nouveau un regard d’admiration naïve sur Rosarita, il s’en fut silencieusement comme il était venu, semblant ne faire qu’une action bien ordinaire en suivant seul la trace des deux redoutables bandits. Le lecteur sait pourtant s’il y avait quelque courage à s’y hasarder.

Quand l’Indien eut disparu derrière les arbres, à l’extrémité du lac :

« Que veut dire ce jeune sauvage avec ses fleurs de rhétorique ? demanda le sénateur, non sans un secret sentiment de jalousie.

– Votre seigneurie sait que les Indiens ne parlent que par paraboles, répondit Encinas ; mais il ne nous a pas moins fidèlement signalé la présence de deux vauriens qui serait un danger sérieux pour deux ou trois voyageurs isolés, mais ne sauraient être un sujet d’inquié-