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à plat ventre, et occupant toute la largeur du sentier. Était-ce un Indien ou un blanc ? était-il vivant, ou n’était-ce qu’un cadavre ?

C’est ce qu’Oroche ne pouvait distinguer.

Pour comble d’embarras, le sentier, à l’endroit où les deux aventuriers avaient été forcés de s’arrêter, longeait d’un côté un de ces abîmes dont nous venons de parler, et de l’autre une rampe escarpée qui ne permettait pas à un homme à cheval de faire volte-face.

Oroche hésitait à avancer, effrayé et surpris à la fois de rencontrer une créature humaine dans cette solitude où les aigles et les chamois seuls devaient faire leur demeure.

Il contemplait avec inquiétude l’étrange apparition.

La tête de cet homme s’avançait au-dessus du précipice, et, dans une rapide éclaircie du brouillard, il put le distinguer un moment, ses bras soutenant son corps, et occupé à contempler quelque objet sous ses yeux.

La cascade grondait assez fort en cet endroit pour étouffer la voix d’Oroche.

« C’est Cuchillo, s’écria-t-il sans se retourner vers son compagnon.

– Cuchillo ! répéta Baraja étonné ; et que diable fait-il là ?

– Je l’ignore.

– Lâchez-lui donc un coup de fusil, ce sera une de ces rares choses qu’il n’aura pas volées.

– Oui, répliqua Oroche, pour que la détonation apprenne à ce Canadien que nous sommes ici. »

Il ne lui vint pas à l’idée que c’était en outre se mettre désarmé à la merci de son ami.

En ce moment les vapeurs se condensèrent de nouveau, et Cuchillo disparut derrière un rideau de brume. Pendant quelques instants, à peine les deux voyageurs purent-ils se distinguer l’un l’autre.

Il devenait dangereux, impossible même, d’avancer