Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/253

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sur un pliant portatif semblable à celui dont se servent les peintres à la campagne, l’Anglais, qui s’était déjà fait indiquer la direction qu’avait prise en fuyant le cheval blanc, qu’Encinas s’obstinait à confondre avec le merveilleux Coursier-des-Prairies, ébauchait sur son album les principaux traits de la scène pittoresque déroulée devant lui.

À quelques pas, le chasseur kentuckien se promenait silencieusement le fusil sur l’épaule, comme une sentinelle qui veille à l’exécution de sa consigne.

Tout à coup le crayon tomba des mains du dessinateur, dont un nuage soudain couvrit les yeux.

Blanche et légère comme un flocon de la vapeur matinale qu’on aperçoit sur l’azur du ciel, Rosarita se tenait à moitié cachée sous les plis de la portière de sa tente. Ses tresses dénattées couvraient ses épaules nues d’une gerbe de cheveux ondés.

La vue de l’étranger, qui fixait sur elle des regards remplis d’admiration, la fit disparaître aussitôt derrière le pan de soie bleue ; mais sa charmante image n’en flottait pas moins devant les yeux du jeune Anglais.

Il serra son album et ses crayons, et appela son garde du corps.

« Wilson ! dit l’Anglais.

– Sir ! répondit Wilson en s’approchant.

– Il y a près d’ici un danger qui me menace.

– Est-il compris dans notre contrat ? » demanda l’Américain formaliste. »

L’Anglais montra du doigt la tente de doña Rosarita.

« Les beaux yeux de cette jeune fille ? dit Wilson.

– Oui.

– Par Jésus-Christ et le général Jackson, s’écria le chasseur, je doute que cela soit dans notre papier.

– Voyez. »

L’Américain tira d’une de ses nombreuses poches un papier fripé, souillé, aux plis usés, et après avoir mar-