Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/255

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fait le jeune Comanche avec la dignité naturelle au sauvage, l’Anglais, avec toute l’aisance raffinée de l’homme au dernier degré de civilisation, de l’homme de la meilleure compagnie, s’inclina devant la belle jeune fille.

« Señorita, lui dit-il, je m’étais promis de ne me déranger de ma route pour aucun des dangers qui arrêtent si souvent le voyageur ; mais il en est un, je le vois depuis ce matin, auquel je ne puis me soustraire que par la fuite. »

La beauté de Rosarita avait produit le même effet sur deux hommes, l’un au premier, l’autre au dernier échelon de la société humaine.

Rosarita sourit à ces mots, dont le sens caché, mais transparent, ne lui échappa point. Elle comprenait que c’était un hommage rendu à sa beauté ; mais, en souriant, elle ne put s’empêcher de rougir, car au fond de sa retraite elle n’avait pas été blasée sur ces douces satisfactions de l’amour-propre féminin.

L’Anglais et son garde du corps américain se mirent en selle et s’éloignèrent.

Après ce court épisode fourni par l’originalité anglaise et américaine, nous franchirons d’un bond le restant de la journée jusqu’au moment où le soleil s’inclina de nouveau vers l’horizon du couchant.

Ce fut à cet instant du jour seulement qu’un cavalier accourut à toute bride vers le Lac-aux-Bisons. Il avait la tête nue, la figure déchirée par les ronces, et ses vêtements de cuir portaient aussi la trace des buissons qu’il avait été obligé de traverser dans la rapidité de sa course.

C’était Francisco, le vaquero, que ses compagnons croyaient victime de ses tentatives contre le merveilleux Coursier-blanc-des-Prairies.

Quoiqu’il y eût peut-être au fond du cœur de tous un secret désappointement de voir revenir sain et sauf (le cœur humain est si bizarre !) un homme qu’ils auraient