Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/258

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queros et les conducteurs de troupeaux, retentirent de loin aux oreilles des chasseurs. C’était signe que les batteurs venaient de se mettre en mouvement pour pousser la caballada de leur côté. Des cris se mêlèrent ensuite aux sifflements, et de toutes parts le bruit se rapprocha sensiblement. Peu de temps après, des hennissements encore lointains résonnèrent dans la profondeur de la forêt, mais si nombreux qu’ils indiquaient une troupe considérable de chevaux sauvages.

Ces hennissements se faisaient entendre dans la direction de la Rivière-Rouge, c’est-à-dire précisément en ligne droite depuis ses bords jusqu’à l’endroit où, sur leur pont volant, l’hacendero, sa fille et le sénateur étaient postés pour voir la chasse. Il y avait à craindre quelque malheur, si la troupe sauvage débouchait de ce côté. Les jeunes taillis auraient été incapables d’arrêter l’élan furieux de ces animaux, qui, dans leur fuite, produisent des dévastations semblables à celles de l’ouragan dans les bois.

Don Augustin prévit le péril, et appela deux ou trois vaqueros, qui laissèrent leur poste pour venir à lui.

« Croyez-vous, demanda l’hacendero à l’un d’eux, que la caballada puisse venir de ce côté ?

– C’est possible, répondit le vaquero, et je pensais déjà au danger que vous pourriez courir dans ce cas-là. Si donc vous le trouvez bon, nous quitterons, mes deux camarades et moi, le poste que vous nous aviez assigné pour nous embusquer derrière vous, le long de ce canal.

– J’aimerais mieux, reprit don Augustin, que nous abandonnassions notre place plutôt que de vous exposer à un danger inutile. »

Les trois vaqueros, en gens accoutumés à braver tous les périls attachés à leur profession, ne répondirent à la sollicitude de leur maître pour eux qu’en se coulant l’un après l’autre le long des berges de l’étroite issue du lac,