Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour aller se poster en sentinelles avancées à une centaine de pas de là, dans la direction de la rivière.

Ce fut la dernière disposition qu’on eut le temps de prendre ; car le moment approchait qui allait décider du sort des nobles animaux poussés par les chasseurs vers l’enceinte fatale où les attendait la captivité.

Le bruit augmentait de moment en moment, et dans les courts intervalles où les cris et les sifflements cessaient de se faire entendre, les hennissements des chevaux effrayés et les ronflements sourds échappés à leurs naseaux retentissaient comme le souffle encore étouffé de l’orage qui gronde au loin.

Quelques instants encore, et la scène si impatiemment attendue allait s’ouvrir.

Déjà l’on entendait distinctement la voix des vaqueros qui, galopant dans la forêt, s’appelaient réciproquement et se répondaient.

La frayeur s’était emparée de tous les hôtes des bois. Des bandes d’oiseaux criaient en s’envolant de la cime des arbres ; des hiboux, éblouis par la lumière du jour, voletaient incertains çà et là, et les cerfs, quittant leurs retraites, bramaient en s’enfuyant loin du tumulte.

Bientôt, semblable à une avalanche, la troupe sauvage en s’avançant fit trembler le sol sous ses pieds. Le craquement des broussailles et des jeunes arbres qu’elle brisait dans sa course et les hennissements désordonnés que lui arrachait la terreur, se mêlèrent aux hurlements redoublés des chasseurs et des vaqueros, répétés par vingt échos divers. Au bruit épouvantable dont retentit la forêt de toutes parts, on eût cru qu’une légion de démons échappés de l’enfer hurlaient en galopant sur des coursiers infernaux.

Tout à coup le rideau de verdure qui entourait la clairière se fendit en cent endroits à la fois. Par chacune de ces déchirures on vit jaillir un flot de têtes sauvages,