Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/260

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aux crinières hérissées, aux naseaux rouges, aux yeux hagards et flamboyants.

Subitement envahie, la clairière ne présenta bientôt plus qu’une masse compacte et mouvante de couleurs diverses, semblable à une mer, au-dessus de laquelle des queues ondoyantes s’agitaient en fouettant l’air et se choquaient entre elles comme les vagues qui se heurtent dans l’Océan.

À travers les larges trouées ouvertes par le poitrail des chevaux, on ne tarda pas à voir se précipiter les vaqueros, qui, l’œil en feu, la tête haute et poussant d’horribles clameurs, galopaient et bondissaient en faisant tournoyer leurs lazos dans l’air.

Incertaine sur la direction qu’elle devait prendre, la masse mouvante commençait à se séparer. Ce fut alors que les douze hommes à pied, brandissant leurs chapeaux, qu’ils tenaient à la main, sifflant, hurlant tour à tour et poussant des cris sauvages, s’élancèrent vers la troupe déjà débandée, au risque de se faire fouler sous les pieds de plus de deux cents chevaux. Pressés de tous côtés par leurs nombreux assaillants, étourdis par leurs vociférations, les chevaux s’arrêtèrent.

Il y eut parmi eux un moment effrayant d’hésitation. Qu’ils s’ébranlassent à droite ou à gauche, et les vaqueros à pied et à cheval étaient broyés comme le grain de blé sous la meule.

« Ne mollissez pas, enfants ! » s’écria don Augustin, qui, emporté par son ardeur, s’élança sur le bord du lac en poussant de grands cris.

De toutes parts des cris redoublés répondirent aux siens. Alors le cheval chef de la bande, qui depuis quelque temps fixait ses yeux brillants sur l’ouverture pratiquée dans l’enceinte, s’y élança tête baissée ; toute la troupe le suivit et se précipita comme un torrent.

« Hourra ! hourra ! s’écria l’hacendero, ils sont à nous ! »