Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/266

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pierreux, où elles forment des rapides ou cascades que le chasseur et l’Indien peuvent seuls franchir dans leur canot d’écorce ou de peau de buffles ; tantôt elles coulent, calmes et profondes, entre deux rives basses couvertes d’herbes si hautes, qu’on ne peut y deviner la présence du bison ou de l’ours gris qu’aux ondulations que ces animaux impriment aux tiges qui les cachent.

Dans d’autres endroits, entre des rives sablonneuses, le fleuve caresse en passant des îles verdoyantes, espèces d’oasis impénétrables, tant les vignes vierges, les mousses espagnoles s’enlacent fortement à la végétation, qui semble s’être réfugiée tout entière au milieu des eaux ; plus loin, ses eaux dormantes semblent se plaire à couler lentement sous les voûtes que forment en se joignant les arbres des deux rives. Ces berceaux répandent en effet sur le fleuve une ombre épaisse et fraîche qui fait oublier la chaleur des plaines embrasées par le soleil.

Les personnages les plus éloignés du Lac-aux-Bisons n’étaient que deux, et ils remontaient le fleuve dans un léger canot d’écorces de bouleau cousues ensemble avec des fibres de sapin et calfatées avec la résine du même arbre. Ce canot, tout fragile qu’il semblait être, n’en était pas moins si pesamment chargé que son bord dépassait à peine le niveau de l’eau.

Le poids que portait la frêle embarcation ne l’empêchait pas, sous l’impulsion donnée par les rameurs, de remonter assez rapidement le cours du fleuve.

Les objets que contenait le canot étaient des plus variés : c’étaient des selles de chevaux, des vêtements divers, des couvertures de toutes couleurs, des ballots et de petites caisses de fabrication européenne, enfin des sabres, des couteaux et environ une demi-douzaine de carabines de différentes longueurs.

Sans le costume particulier et la physionomie sinistre des deux rameurs, que quelques mots vont faire con-