Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/267

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naître, on aurait pu les prendre pour deux honnêtes marchands ambulants qui se hasardaient, sur la foi d’un sauf-conduit, à venir trafiquer avec les tribus indiennes du désert.

L’un était un vieillard à cheveux gris, l’autre un jeune homme à la longue chevelure, noire comme le jais. Quand nous aurons dit qu’ils portaient la coiffure distinctive des Indiens Papagos, on nommera Main-Rouge et Sang-Mêlé, dont on a sans doute reconnu le déguisement lors de leurs apparition soudaine dans les bois, le soir où don Augustin Pena se rendait avec sa fille et le sénateur à la chasse aux chevaux sauvages.

Après le coup hardi dont le résultat avait été la spoliation et la mort du marchand du préside, ainsi que l’a raconté le chasseur de bisons, l’alarme s’était répandue dans le pays. Pour échapper aux recherches, les deux bandits avaient adopté le déguisement sous lequel ils rencontrèrent la cavalcade. Le hasard qui avait fait retarder de quinze jours le départ de l’hacendero fut donc seul cause de cette fâcheuse rencontre.

L’homme marche à tâtons, pour lui l’avenir est couvert de nuages. Sait-il ce dont il faut se réjouir ou s’affliger ? Combien d’orages éclatent après un beau matin ! Combien d’orages aussi au début d’une journée, au soir de laquelle le soleil se couche radieux dans un ciel pur !

Le métis, toutefois, le lecteur ne l’ignore pas, n’avait pu voir Rosarita sans ressentir l’impression que sa beauté causait habituellement, et sans désirer de la revoir. Il l’avait suivie jusqu’au Lac-aux-Bisons, et c’était pour l’enlever, en dépit de son nombreux cortège, que nous le trouvons gagnant les Montagnes-Brumeuses, près desquelles il connaissait la présence d’un fort parti de guerriers apaches.

Les deux pirates du désert n’étaient pas seulement redoutables à cause de leur courage et de leur adresse.