Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/277

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le chêne plongeait de trop profondes racines dans la terre pour tomber encore, et il se réjouit de le trouver affermi.

Au temps jadis, un robuste et vaillant chevalier, presque écrasé dans son armure par la chute d’un créneau ou le choc d’une hache d’armes, avait de ces moment d’étourdissement et de défaillance, semblables à ceux qu’avait traversés le Canadien, et Bois-Rosé venait de se réveiller comme le chevalier.

« Rien ? demanda-t-il d’une voix brève.

– Rien, répondit d’un ton ferme le miquelet, qui, d’après la contenance du chasseur, laissa résolûment de côté toute consolation banale ; mais nous trouverons.

– C’est ce que je me dis. Trouvons donc. »

Le nom de Fabian ne fut prononcé ni de part ni d’autre, quoique son souvenir débordât du cœur de chacun d’eux.

Cependant Pepe voulut éprouver le retour de son compagnon à l’énergie. C’était seulement en calculant froidement leurs chances, en réunissant deux intelligences que la douleur n’obscurcit pas, que la réussite les attendait, et Pepe mit impitoyablement le doigt sur la plaie vive pour s’assurer de la force du patient.

« Il est mort ou vivant, dit-il en regardant fixement le Canadien ; dans l’un ou l’autre cas, nous devons le retrouver. »

Le patient ne tressaillit pas.

« C’est mon avis, répondit-il froidement, tant la réaction s’était faite complète. Si je le retrouve mort, je me tuerai ; si je le retrouve vivant, je vivrai. Dans l’un ou l’autre cas, je n’aurai pas longtemps à souffrir.

– Bien, dit Pepe tout en faisant ses réserves en secret et en comptant sur les bienfaits du temps, qui cicatrise toutes les douleurs, quoi qu’en disent les poëtes, les poëtes lakistes s’entend, qui seuls chantent les incurables douleurs. Voyons, ajouta-t-il, maintenant il nous faut,