Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/279

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buissons prouvent que c’est un corps de cette longueur au moins qui les a froissées dans sa chute. Il est évident que les deux combattants ont roulé transversalement. Tenez, voici un trou qui a contenu un cailloux, il y a vingt-quatre heures ; la pointe en était sans doute saillante, et les deux corps, en pesant sur son extrémité, l’auront arraché de terre. Nous retrouverons ce caillou, je gage.

– C’est inutile, répondit Pepe. Il est certain pour moi, comme pour vous, que don Fabian n’est pas tombé la tête la première ; donc il vit.

– Oui, mais prisonnier, et de quels ennemis !

– L’essentiel est qu’il vive ; ne sommes-nous pas là ?

– Oh ! s’écria Bois-Rosé en étouffant un frémissement d’horreur, dans quel endroit le poteau du supplice va-t-il s’élever pour lui ?

– Vous y étiez, Bois-Rosé, un jour, et…

– Vous m’en avez arraché, je comprends ; nous l’en arracherons aussi.

– L’essentiel est qu’il vive, vous dis-je. »

Bois-Rosé accepta cette consolation, car il n’y avait rien dont il ne se sentît capable pour délivrer Fabian.

« Ce point vérifié, voyons… »

Le Canadien interrompit Pepe en lui serrant le bras avec une force à le lui briser.

« Le point est douteux, s’écria-t-il comme frappé d’une lumière soudaine. Où sont les cadavres des Indiens que nous avons tués ? dans ce gouffre sans doute ; qui vous dit que celui de Fabian n’y est pas avec les leurs ?

– Et depuis quand ces chiens d’Indiens, ce métis damné surtout, auraient-ils tant de sollicitude pour les cadavres de leurs ennemis ! Les coquins ont sans doute soustrait leurs morts aux profanations des vivants, c’est leur habitude. Non, non ; si don Fabian était mort, nous l’aurions retrouvé ici avec sa chevelure de moins. Soyez sûr que le métis a son plan pour avoir si brusquement