Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

erraient à l’aventure, le voisinage du trésor que chacun se rappelait avoir un instant entrevu, et les émotions de tout genre auxquelles ils étaient en proie depuis le matin, tout avait contribué à exciter violemment leur imagination.

L’attention que Cuchillo avait mise sous leurs yeux à considérer un objet visible piqua vivement la curiosité des deux aventuriers.

La route s’élargissait assez en cet endroit pour permettre de mettre pied à terre entre le précipice et la rampe de rochers, et, sans s’être communiqué leurs impressions, Oroche et Baraja descendaient de cheval chacun en même temps.

« Qu’allez-vous faire ? demanda le premier.

– Vous le savez bien, parbleu ! puisque vous allez m’imiter, répondit Baraja ; je vais essayer de voir ce que regardait Cuchillo tout à l’heure avec tant d’opiniâtreté. Ce doit être fort intéressant, si je ne me trompe.

– Prenez garde, ces rochers sont glissants en diable.

– Soyez sans crainte, et ne vous gênez pas pour faire comme moi. »

En disant ces mots, Baraja s’agenouillait pour prendre position au-dessus du gouffre. À six pas du flanc de la montagne s’élançait la cascade : au-dessus de sa bouche béante le sentier formait une espèce de voûte naturelle.

Oroche prit son cheval par la bride et passa de l’autre côté de la voûte.

Il crut prudent de s’éloigner de son compagnon, et quelques instants après, tous deux, invisibles l’un à l’autre, couchés à plat ventre et la tête penchée sur l’abîme, jetaient un regard avide au-dessous d’eux.

Le même spectacle les frappa à la fois, et fit de nouveau monter à leurs tempes des idées de meurtre un instant ajournées.