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Le bloc d’or étincelant entre la cascade et le rocher, qui avait fait pousser à Cuchillo un cri sauvage, fut sur le point de leur en arracher un semblable ; mais il fallait dissimuler et se contenir.

Ce ne fut pas sans un effort surhumain.

Fixé dans le roc, ce bloc fascinateur lançait des gerbes de lueur fauve, et semblait inviter la main de l’homme à ne pas laisser dévorer par le gouffre béant cette merveilleuse munificence de la nature.

L’humidité constante avait tapissé les parois à pic du roc d’un manteau de mousse verte. Au-dessous du bloc d’or une légère saillie, quoique enduite par les vapeurs de l’eau d’une couche visqueuse, semblait attendre le pied assez hardi pour se fier à cet appui dangereux ; mais un seul homme ne pouvait tenter l’entreprise.

Telle avait été la cause de la retraite de Cuchillo, qui tout à l’heure repaissait avidement ses yeux de ce magnifique trésor, objet de tous ses désirs.

Baraja fut le premier à s’arracher au vertige que lui causait ce spectacle ; car son cœur se serrait à la pensée que le précieux métal pouvait à chaque instant rouler dans l’abîme, comme le fruit mûr qui tombe de l’oranger.

Oroche ne tarda pas à imiter son compagnon, et tous deux se retrouvèrent debout presque en même temps, incertains de ce qu’ils devaient faire et séparés l’un de l’autre par la voûte d’où s’échappait en grondant la cataracte.

« Eh bien ! qu’avez-vous vu ? dit Baraja le premier.

– Et vous ? répondit Oroche.

– Un gouffre sans fond.

– Des tourbillons de vapeurs qui montent de l’abîme.

– L’union fait la force, répéta Oroche, qui avait tout à coup pris son parti.

– À deux on est deux fois plus fort.

– C’est incontestable ce que vous dites là, s’écria