Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/285

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Rosé au milieu de ces montagnes, Pepe s’écria du même ton qu’il eût pris en portant sa carabine à l’épaule :

« Qui est là, de par tous les diables ?

– À qui en avez-vous ainsi ? dit la voix de Bois-Rosé au milieu du brouillard.

– Seigneur Bois-Rosé, seigneur don Pepe, où êtes-vous ?

– Par ici, répondit Pepe en reconnaissant la voix de Gayferos.

– Grâce à Dieu, je vous retrouve enfin pour ne pas mourir de faim dans ces montagnes maudites, dit le gambusino scalpé, en sortant du voile de vapeur qui l’avait caché jusqu’alors.

– Bon, se dit Pepe, voici un pensionnaire de plus à nourrir de racines. Eh bien, mon brave, vous êtes mal tombé, reprit-il tout haut ; des chasseurs sans fusil ne sont que de bien tristes auxiliaires.

– Et don Fabian ? s’écria vivement Gayferos, qui n’avait pas oublié que c’était aux intercessions du jeune homme qu’il devait pour ainsi dire la vie ; le malheur que j’ai pressenti s’est-il donc réalisé ?

– Il est prisonnier des Indiens, et vous nous voyez nous-mêmes sans armes, sans vivres, sans munitions, exposés comme des enfants aux bêtes féroces, aux Indiens, et qui pis est, à la famine. Mais, mon garçon, avant de vous raconter tous les malheurs qui nous ont frappés, laissez-moi demander un renseignement à Bois-Rosé. »

L’Espagnol montrait au vieux chasseur, au pied d’une touffe épaisse de hautes absinthes, des empreintes que la pluie n’avait pu effacer complétement sous le feuillage qui les abritait.

« Y avait-il des blancs parmi eux ? dit-il. Voilà des mocassins indiens, voici des semelles de souliers d’un blanc, si je ne me trompe. »