Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/287

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On remarquera que, dans l’exaltation de sa douleur mêlée d’une faible lueur d’espérance, Bois-Rosé ne prodiguait plus aux Indiens ni à leurs alliés les noms de coquins et de démons par lesquels il les désignait d’habitude. Le malheur, comme le feu qui purifie ce qu’il n’a pas consumé, semble grandir ceux qu’il atteint sans les abattre.

La joie visitait le cœur du vieux chasseur, et tandis que les deux amis cheminaient derrière Gayferos, Bois-Rosé s’enquit avec sollicitude de ce qui lui était arrivé pendant leur absence.

« Rien, répondit le gambusino scalpé, si ce n’est que Dieu, sans doute, avait voulu qu’il y eût autour de moi une grande quantité de l’herbe merveilleuse qu’on appelle dans mon pays l’herbe de l’Apache, et dont le suc cicatrise immédiatement les blessures. Je fis une compresse de ces herbes, après les avoir écrasées entre deux pierres, et tel fut le soulagement que j’en éprouvai au bout de quelques heures, que j’eus faim et que je mangeai les provisions que vous m’aviez laissées.

– Et c’est en venant nous rejoindre que vous avez vu le chapeau de don Fabian, s’écria Pepe.

– Oui, et cette découverte me fit craindre quelque malheur, que je déplore de voir accompli. »

L’Espagnol fit rapidement part au nouveau compagnon que le hasard leur envoyait, du siège qu’ils avaient soutenu et du triste dénoûment qui en avait été la suite.

« Quels sont donc ces hommes qui ont été plus forts, plus vaillants, plus adroits que vous ? demanda Gayferos avec un étonnement qui prouvait assez quel cas il faisait de la force et de l’intrépidité de ses libérateurs.

– Des coquins qui ne craignent ni Dieu ni diable, mais auxquels nous avons une terrible revanche à demander, répondit Pepe en nommant les deux redoutables adversaires que leur mauvaise étoile leur avait