Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/289

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– Eussiez-vous mieux aimé qu’il se fût précipité du haut de ces rochers avec ceux qui l’entouraient ?

– Non, sans doute, Pepe, répliqua Bois-Rosé ; mais vous l’avez vu comme moi, le jour où il faillit se briser dans le Salto de Agua, ne tenir compte ni du nombre de ceux qu’il poursuivait, ni de l’abîme qu’il devait faire franchir à son cheval, et je trouve aujourd’hui dans cette soumission passive de sa part quelque chose qui m’inquiète. L’enfant était blessé sans doute, évanoui peut-être, et c’est ce qui m’explique…

– Je ne dis pas non, interrompit Pepe. Votre opinion est assez vraisemblable.

– Mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria Bois-Rosé avec chagrin, pourquoi faut-il que cet orage ait lavé toute trace de sang, battu et foulé toutes les empreintes ? Il eût été si facile, sans cela, de les retrouver et de se rendre compte de tant de choses qu’il nous importe de savoir ! Vous n’avez pas distingué, Gayferos, s’il y avait du sang à ce chapeau que vous avez vu flotter ?

– Non, dit le gambusino, j’étais trop éloigné ; ces rochers où j’étais sont fort élevés, et le jour s’assombrissait.

– En admettant comme certain qu’il n’ait pu faire de résistance parce qu’il était blessé, cela ne prouverait-il pas que don Fabian, entre les mains de ces coquins, était pour eux l’espoir d’une riche rançon, pour qu’ils se soient donné la peine de le transporter dans leurs bras jusqu’à leur canot ? »

Bois-Doré accueillit avec un regard de reconnaissance cette supposition probable et consolante du chasseur espagnol.

C’était, en effet, pendant un long évanouissement qui suivit la chute de Fabian, et causé, comme on ne l’a pas oublié peut-être, par le choc de sa tête contre l’angle de la pierre plate qui avait roulé avec lui, qu’il avait été transporté jusqu’au canot. Un des Indiens,