Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/290

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qui s’était emparé de son chapeau, n’avait pas tardé à le rejeter dédaigneusement à l’eau, à cause de son état de vétusté.

Jusqu’à ce moment, les deux chasseurs qui ne s’étaient trompés dans aucune de leurs conjectures, sans savoir toutefois qu’ils avaient deviné la vérité presque tout entière, continuèrent leurs recherches avec une nouvelle ardeur.

Ils remontèrent, non pas le cours de ce bout de la rivière ; car l’eau en paraissait stagnante, mais jusqu’à l’ouverture sur leur droite. En cet endroit, la profondeur de l’eau ne dépassait pas deux pieds, et des roseaux en tapissaient le fond presque partout.

Une idée soudaine vint à l’esprit de Bois-Rosé, qui courut vers l’étroit canal et disparut sous la voûte sombre.

Pendant ce temps, Pepe et Gayferos interrogeaient, de leur côté, les berges, les buissons et jusqu’à la surface de l’eau, mais sans que rien leur révélât le passage d’êtres humains depuis la création du monde, quand un hourra de Bois-Rosé, dont la voix gronda sous le canal souterrain, les fit accourir vers lui.

Ce n’était pas sans raison que le Canadien avait poussé un cri de triomphe. Des empreintes profondes, conservées intactes sur un terrain vaseux, les unes à moitié couvertes par l’eau qu’on voyait sourdre du sol, d’autres nettes, précises et comme moulées sur la terre humide, s’offrirent de toutes parts aux yeux des deux chasseurs et du gambusino.

C’était l’endroit où Main-Rouge et Sang-Mêlé avaient amarré leur canot.

« Ah ! s’écria Bois-Rosé, nous n’allons plus errer à l’aventure, maintenant. Dieu me pardonne, qu’aperçois-je donc là parmi ces roseaux ? Est-ce un brin de roseau desséché ou un morceau de cuir ? Voyez donc, Pepe, car la joie me trouble les yeux. »