Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/30

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Oroche. Eh bien, à nous deux nous pourrions l’avoir.

– Quoi ? dit Baraja feignant l’ignorance.

– Demonio ! le bloc d’or que vous avez vu comme moi.

– Mais comment faire ? continua Oroche.

– Réunir nos deux lazos comme emblème de notre alliance ; suspendre l’un de nous le long des flancs du rocher, et ravir à l’abîme son trésor, s’écria Baraja les yeux en feu.

– Qui se dévouera de nous deux ?

– Le sort en décidera, seigneur Oroche, et si c’est vous…

– Si c’est moi, vous me laisserez tomber et me briser les os. »

Baraja haussa les épaules.

« Vous êtes un niais, mon cher Oroche ; un ami ne laisse pas tomber à la fois son ami et un trésor trois fois royal. L’ami… je ne m’en défends pas ; mais le trésor… jamais.

– Mon cher Baraja, vous plaisantez des choses les plus respectables, même de l’amitié, » repartit Oroche avec tant de componction que Baraja en fut plus effrayé que jamais.

Bientôt, cependant, cédant à l’ivresse qui les subjuguait, les deux aventuriers cessèrent de lutter d’astuce, et résolurent d’unir leurs efforts pour arracher le bloc d’or à son enveloppe de roche.

Baraja tira de l’une de ses poches un jeu de cartes, et il fut convenu que celui qui amènerait le plus haut point aurait le droit de choisir le rôle qui lui conviendrait.

Ce droit échut à Oroche.

Outre que le raisonnement de Baraja l’avait frappé, le gambusino pensa que la possession du trésor était un talisman tout-puissant contre la perversité de son compagnon, et il choisit, contre l’attente de ce dernier, le