Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/292

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En disant ces mots, Bois-Rosé, soutenu par d’aussi vagues indices, se mit néanmoins courageusement en marche, suivi de ses deux compagnons.

Leur marche fut pénible, car il leur fallait suivre le long du cours d’eau les rives escarpées qui l’encaissaient, et gravir des rochers qui surplombaient devant eux. Un seul incident marqua les premières heures : ce fut la trouvaille du chapeau du pauvre Fabian, que l’ouragan avait fait voler en l’air, et qui, accroché aux branches épineuses d’un buisson, tremblait sous la brise.

Bois-Rosé examina d’un œil voilé de larmes ce débris mélancolique de l’enfant qu’il avait perdu pour la seconde fois. Du reste, nulle trace de sang ne s’y laissait voir. Le Canadien l’assujettit à son baudrier, comme eût fait un pèlerin d’une relique sainte, et continua silencieusement sa marche.

« C’est bon signe, dit Pepe, en faisant un effort pour secouer de son côté la tristesse qui le gagnait ; nous avons retrouvé son poignard et son chapeau, Dieu nous le fera retrouver lui-même.

– Oui, dit le Canadien, d’un air sombre ; et, d’ailleurs, si nous ne le retrouvons pas… »

Bois-Rosé acheva mentalement sa phrase commencée. Le vieux coureur des bois songeait tout bas à ce monde invisible où se retrouvent, pour ne plus se quitter, ceux-là dont la tendresse mutuelle doit survivre au delà du tombeau.

Quoique le soleil fût encore assez éloigné de l’horizon, le jour s’éteignait petit à petit sous le brouillard condensé au-dessus des montagnes, quand les trois voyageurs parvinrent à un endroit où l’eau formait une espèce de remous causé sans doute, à ce qu’assura le Canadien, par la jonction voisine d’une autre branche de la rivière.

Bois-Rosé ne s’était pas tout à fait trompé ; mais, au