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Le Canadien, dans l’orgueil de sa vigueur encore indomptée par le besoin, ne s’aperçut pas que l’énergie de son compagnon avait un instant faibli. Pepe toutefois eut bientôt rappelé à lui sa mâle insouciance.

« Avez-vous quelque idée à ce sujet ? ajouta-t-il promptement.

– Oui. Quand pour la première fois j’ai pris pour un tronc d’arbre flottant le canot de ces deux hommes qui nous sont si funestes, il doublait par le nord-ouest la pointe de ces montagnes. C’est donc la même direction qu’il aura reprise pour s’en retourner. Si j’avais pu, au milieu de ces brouillards, distinguer l’endroit où le soleil s’est couché, je vous mettrais de suite sur la bonne voie ; mais l’étoile du Nord ne brille même pas au ciel. Si donc, après une heure de marche, vous n’apercevez pas la plaine devant vous, revenez me rejoindre ici ; moi je l’aurai sans doute trouvée. »

Les deux chasseurs s’éloignèrent, chacun de son côté, et se perdirent bientôt de vue.

Le gambusino scalpé dormait encore, et lorsque enfin il s’éveilla, il aperçut qu’il était seul. L’étonnement mêlé d’inquiétude qu’il éprouva ne fut que de courte durée : Pepe ne tarda pas à le rejoindre. Les premiers rayons du jour devaient éclairer déjà la plaine, quoique sous le brouillard des montagnes le crépuscule du matin eût à peine commencé.

Pepe était de retour après avoir descendu le cours de la rivière, au milieu d’une succession non interrompue de rochers élevés, de pics menaçants et de hautes collines ; ce n’était donc pas de ce côté que le canot s’était dirigé, autant du moins qu’on pouvait le conjecturer en l’absence de tout indice plus certain que les suppositions du Canadien. Restait à savoir si celui-ci avait été plus heureux.

Une nouvelle demi-heure ne s’était pas écoulée que Bois-Rosé vint à son tour.