Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/296

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« En route, s’écria-t-il du plus loin qu’il aperçut ses deux compagnons. Je suis sur la voie, sur la seule bonne.

– Dieu soit loué ! » dit Pepe.

Et, sans plus questionner le Canadien, il se mit à le suivre avec autant de rapidité que le lui permettait la faiblesse qu’il commençait à ressentir.

Le jour s’était fait à l’instant où la petite troupe vit enfin la rivière s’élargir, couler au milieu d’une plaine immense, et les rayons du soleil étinceler sur la surface des eaux.

Le Canadien marchait en avant, insensible en apparence aux douleurs de la faim, qui ne l’épargnait pas plus que ses deux compagnons. Ceux-ci le suivaient à distance l’un de l’autre, Pepe le premier, essayant vainement de siffler une marche guerrière pour distraire son estomac, le gambusino ensuite, à vingt pas derrière l’Espagnol, se traînant avec peine et étouffant des gémissements douloureux.

Au bout d’une heure de chemin, le Canadien, qui marchait toujours en avant, cria à Pepe de venir le rejoindre à l’endroit où il avait fait halte. C’était sous un bouquet de grands arbres, au milieu de hautes herbes sèches que le chasseur ne dépassait que de la moitié du corps.

« Accourez donc, s’écria Bois-Rosé d’un ton de joyeux reproche, on dirait que vous avez oublié vos jambes au milieu des montagnes.

– Elles sont en révolte ouverte contre moi ; je parle de mes jambes, » répondit Pepe en se hâtant, et il vit le Canadien se baisser et disparaître caché par les herbes.

Quand il l’eut rejoint, il trouva Bois-Rosé agenouillé sur le sol, et examinant avec le plus grand soin des empreintes nombreuses disséminées auprès des restes d’un feu dont quelques tisons fumaient encore.

« La pluie d’orage, dit le Canadien, qui avait effacé les traces dans les montagnes, a conservé celles-ci, parce