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pas une longue et fatigante journée. Quant à Bois-Rosé, son athlétique constitution, sa force de géant, et par-dessus tout, l’inextinguible foyer de sa tendresse paternelle, semblaient faire de lui un homme inaccessible aux faiblesses physiques de l’humanité. Son cœur n’en était pas moins rongé d’inquiétude sur le sort de Fabian ; mais le découragement était encore loin de l’atteindre.

Le soleil ne déclinait pas sensiblement vers l’horizon quand, plutôt par compassion pour la fatigue de Pepe que par suite de la sienne propre, Bois-Rosé fit halte au bord de la Rivière-Rouge dont ils suivaient depuis si longtemps le cours.

En face d’eux, une des îles dont il est semé s’élevait au milieu du fleuve. Les ombrages épais dont elle était couverte, les lianes pendantes jusque dans l’eau, qui se mêlaient à profusion au feuillage des arbres arrondis en dôme ne firent qu’aigrir la souffrance des malheureux affamés. C’était un de ces abris délicieux que rêve le voyageur dans les déserts pour y prendre son repas du soir et oublier ensuite la fatigue du jour dans un sommeil tranquille et réparateur.

Depuis la poignée de farine de maïs dont les deux chasseurs avaient pris leur part vingt-quatre heures auparavant, c’étaient le deuxième jour de marche qu’ils achevaient presque à jeun. Un peu restauré par le chétif repas qu’il avait fait près du foyer des Indiens, Gayferos n’avait pas encore perdu tout courage ; l’Espagnol non plus, mais ses forces trahissaient son vouloir. Bois-Rosé ne pouvait se dissimuler que Pepe entrait dans cette phase critique où la destruction prend sur la vie un terrible avantage, et que lui-même, malgré la force de sa constitution, il touchait presque à cette même phase.

Il essaya donc, après une heure de repos environ, de faire reprendre à ses deux compagnons la marche inter-