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Bois-Rosé n’avait pu prévenir le mouvement de Pepe, tant il avait été soudain. Effrayé à l’idée que le carabinier était frappé de démence, il se retourna pour le suivre des yeux, et il ne put retenir un hurlement semblable à celui de l’Espagnol.

Un animal étrange, monstrueux, plus gros que le plus superbe taureau domestique, secouant une énorme crinière noire au milieu de laquelle deux yeux enflammés roulaient comme deux globes de feu, et battant ses flancs de sa queue nerveuse, bondissait au milieu de la plaine, qu’il rougissait de son sang.

C’était un bison blessé, après lequel Pepe courait comme une bête féroce affamée.



CHAPITRE XXIII

UNE CHASSE À OUTRANCE.


Bois-Rosé, décidé à profiter de la faveur inespérée que leur envoyait la Providence, s’élança sur les traces du carabinier, suivi de Gayferos, qui comprit comme eux que leur existence dépendait de l’heureux succès de cette chasse suprême.

Ce n’était plus en effet une de ces chasses dans lesquelles l’amour-propre seul est en jeu ; ici c’était la vie prête à s’échapper, et qu’il fallait disputer à la mort, qui s’avançait déjà avec son cortège de douleurs ; il fallait chasser, comme font les animaux carnassiers, les entrailles déchirées par la souffrance, l’œil sanglant et les flancs haletants. Mais, au milieu de l’immensité du désert, trois hommes, sans autres armes que leur couteau, avaient à poursuivre un animal assez agile pour se rire de leurs efforts, et trop redoutable pour qu’on pût impunément l’approcher.