Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/302

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À la vue des ennemis qui accouraient vers lui, le bison s’arrêta un instant, gratta la terre du pied, fouetta ses flancs de sa queue en poussant de sourds mugissements, et présentant ses cornes menaçantes, attendit le combat.

« Tournez l’animal par derrière, Pepe, s’écria le Canadien d’une voix presque aussi formidable que celle du buffle mugissant ; Gayferos, prenez à droite, il faut l’enfermer entre nous trois. »

Pepe était celui qui avait le plus d’avance des trois chasseurs, et il exécuta l’ordre du Canadien avec une rapidité dont ses jambes fatiguées n’eussent pas semblé capables ; Gayferos, de son côté, tira promptement sur la droite, et Bois-Rosé s’élança sur la gauche. Tous trois eurent bientôt formé un triangle autour du bison blessé.

« En avant maintenant, et ensemble. Hourra ! hourra ! cria l’Espagnol en se précipitant le couteau à la main vers le buffle, et en buvant des yeux le sang que l’animal furieux secouait autour de lui comme une pluie empourprée.

– Pas si vite, au nom de Dieu, dit le Canadien effrayé de l’ardeur affamée du carabinier, qui bravait le danger. Laissez-nous arriver en même temps que vous. »

Mais Pepe, l’œil en feu, les dents serrées, ne l’écoutait pas. Où Bois-Rosé voyait le péril, Pepe ne voyait qu’une proie à dévorer, et il touchait presque le bison, quand celui-ci, intimidé par les ennemis dont le cercle se resserrait autour de lui, lâcha pied et s’enfuit au moment où le bras de l’Espagnol se levait pour frapper. Ce dernier, entraîné par la force du coup, battit le vide perdit l’équilibre et tomba.

Quand il se releva en poussant un hurlement de rage, le bison était déjà loin.

« Coupez-lui le chemin vers la rivière, Bois-Rosé, s’écria l’Espagnol à la vue du fugitif qui semblait vouloir