Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/306

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justement recherchée pour son exquise saveur, et le filet, découpé en longues et minces lanières ; maintenant occupons-nous de notre repas.

– Je ne pense pas, dit Pepe, que ce buffle se soit suicidé pour le plaisir de venir se faire dévorer par nous ; il a échappé probablement à la poursuite de quelque chasseur indien, et il n’y aurait rien que de fort raisonnable de nous attendre à recevoir sous peu la visite d’un ou de plusieurs de ces brigands de maraudeurs, qui se feront un devoir de nous traiter comme ce buffle… Il y a encore là-bas, dans la petite clairière que vous voyez d’ici dans l’île, ces deux loups qui creusent la terre, ajouta Pepe en interrompant ses raisonnements judicieux, et ils y mettent une ardeur que je ne m’explique pas trop, après la curée que je leur ai jetée. »

L’avertissement que le carabinier venait de donner à ses deux compagnons les avait ramenés au sentiment d’une situation si critique, que leur bonne fortune inespérée avait seule pu la leur faire oublier pendant quelques instants.

Une ligne tortueuse et d’une couleur jaunâtre tranchait avec la nuance azurée de la rivière et indiquait aux chasseurs un endroit guéable. Ils se déterminèrent donc, pour plus de sûreté, à gagner le couvert de l’île pour y allumer du feu et y préparer leur repas à l’ombre épaisse des arbres.

Comme la petite troupe traversait le gué de la Rivière-Rouge, les deux loups, à son approche, cessèrent de gratter la terre ; et l’un d’eux, emportant le morceau que leur avait jeté le carabinier, s’enfuit en hurlant, suivi de son compagnon.

Quand les trois chasseurs eurent pris terre dans l’île, ils trouvèrent, à peu près au milieu de la petite clairière, une excavation de quelques pouces pratiquée par la griffe des loups.

« Il y a quelque cadavre là-dessous sans doute, dit