Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/316

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Canadien en terminant ; poursuivre un ennemi quand on est poursuivi soi-même, c’est une situation difficile.

– Oui, reprit le carabinier ; mais après tout, maintenant que nous sommes armés comme il convient à des guerriers, est-il donc plus impossible d’en venir à nos fins qu’il ne l’était quand, étant à la poursuite de don Antonio de Mediana, nous nous trouvâmes bloqués par ces coquins d’Apaches ?

– C’est vrai, dit le Canadien (car il avait, comme l’Espagnol, cette intrépide confiance en soi-même qui fait accomplir des prodiges à ceux qui la possèdent : dans le cours de la vie bien des projets ne sont impraticables que par cela seul qu’ils nous paraissent tels).

– Quoi qu’il en soit, s’écria le vindicatif Pepe, maintenant que vous venez de m’apprendre que c’est à ce damné métis qu’appartient cette cache que nous avons pris tant de peine à celer tous les yeux, je cours l’éventrer de nouveau. Venez, Gayferos ; pendant que Bois-Rosé délibérera ici avec ce jeune guerrier, nous jetterons à l’eau tout le butin de cette vipère, excepté les armes à feu. »

Le rancunier miquelet s’éloigna, suivi du gambusino, et, quand l’Indien eut bu et mangé :

« Mon fils, dit le Canadien à Rayon-Brûlant, me contera-t-il maintenant ce qu’il fait seul, et si loin de sa tribu, sur le terrain de chasse des Apaches ? »

Le Comanche fit à Bois-Rosé le récit des événements que le lecteur connaît déjà : l’attaque dont Encinas et lui avaient manqué d’être victimes, l’apparition des deux pirates près du Lac-aux-Bisons, puis ses courses aventureuses sur leurs traces jusqu’à l’ïle-aux-Buffles, où il leur avait vu cacher leur butin dans les entrailles de la terre.

En ce moment, Gayferos et Pepe revenaient de leur expédition. Couvertures, selles, marchandises, ils avaient tout jeté au courant de la rivière, à l’exception d’un