Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sent pu se rendre compte de leurs impressions, un corps noir glissa le long de l’arbre, le canot reçut un choc qui le fit trembler, et un Indien vint prendre place à côté du chef comanche.

Ce nouveau personnage fit quelque bref rapport que les chasseurs blancs ne comprirent pas, tandis que le canot continuait sa marche à travers l’obscurité ; puis l’Indien ne tarda pas à garder un silence semblable à celui de tous les passagers.

Au bout d’une heure environ de navigation silencieuse, le même fait se répéta : un autre Indien se laissa encore glisser dans le canot, qui menaçait d’être bientôt trop petit, si le nombre de ceux qui le montaient devait s’augmenter ainsi d’heure en heure. Le nouveau venu dit aussi quelques mots à Rayon-Brûlant en dialecte comanche, et cette fois, au lieu de continuer à ramer, les deux Indiens levèrent leurs avirons et laissèrent le canot suivre de lui-même pendant quelque temps l’impulsion de la rivière. Un murmure lointain commençait à se faire entendre sous la voûte sonore qui couvrait le fleuve.

Bientôt le bruit grossit, on entendait l’eau gronder comme sur un bas-fond ; mais l’obscurité empêchait de distinguer devant soi : alors la fragile barque commença de tourner lentement sur elle-même, sans que les deux Indiens fissent aucune tentative pour la diriger. Puis ensuite elle marcha en travers, présentant la proue et la poupe aux deux rives du fleuve, et enfin elle reprit sa première position parallèle au fil de l’eau et glissa plus rapidement. Bientôt, descendant comme un plan incliné, elle fendit l’onde avec la rapidité d’une flèche.

C’était en effet un des rapides du fleuve, que les deux Comanches, empêchés par l’obscurité, laissaient à leur barque le soin de franchir seule. Un instant l’eau bouillonna sous la fragile nacelle, qui sembla nager sur des