Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/327

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« Entendez-vous quelque bruit suspect ? demanda Pepe à l’Indien.

– Rayon-Brûlant prête l’oreille aux hurlements du petit Loup-des-Présages.

– Eh bien, mon garçon, vous avez l’oreille fine, vous pouvez vous en vanter. Quels présages vous transmettent les hurlements du petit loup des Prairies, qui, à mon idée, n’annoncent que sa faim ?

– Quand les Indiens sont en chasse, répondit gravement le Comanche, les grands loups des Prairies les suivent en silence, bien sûrs qu’ils auront leur part du butin ; les petits loups, comme les plus faibles, accompagnent les plus forts en hurlant, et demandent aussi leur part. J’ai entendu la voix du Présage au nord ; la bande de l’Oiseau-Noir est à l’est ; il y a donc du côté du nord l’autre bande que nos éclaireurs n’ont pas vue, et les bisons fuient devant elle. Mon frère peut les entendre.

Une rumeur encore vague ne tarda pas en effet à gronder au loin. Le Comanche prit alors un tison du foyer et l’approcha du sol, à peu de distance de l’endroit où le feu était allumé. Une large bande de terre, foulée et marquée de nombreux piétinements comme l’arène d’un cirque de chevaux, s’étendait à partir de la rivière jusqu’à perte de vue dans la plaine.

« Nous sommes ici sur une trace de bisons, s’écria l’Indien ; c’est un endroit dangereux qu’il faut fuir ; à peine en aurons-nous le temps : un troupeau va repasser sur les traces qu’il a laissées déjà. »

Des mugissements se mêlèrent bientôt au retentissement sourd de la terre. Rayon-Brûlant dit quelques mots à ses trois hommes, et ceux-ci dispersèrent et éteignirent promptement le feu, à l’exception d’un tison que conserva le chef ; puis les Comanches, aidés par les chasseurs, se hâtèrent d’emporter le canot sur les pas de Rayon-Brûlant.