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Le jeune chef choisit, pour s’y arrêter de nouveau, le sommet d’une de ces petites collines dont le pays est plein. Là, un autre foyer fut disposé, auprès duquel les quatre guerriers rouges reprirent leurs travaux de calfatage interrompus.

À peine étaient-ils à l’œuvre qu’en face de l’endroit qu’ils venaient de quitter, et sur la rive opposée du fleuve, une longue et large colonne de buffles au galop se dessina dans la plaine. On vit sous le choc irrésistible de ces monstrueux habitants des Prairies, le bouquet de cotonniers s’affaisser en craquant et se coucher par terre comme une gerbe d’herbes sèches. Des mugissements à assourdir l’oreille s’entremêlaient au souffle bruyant des naseaux de la troupe sauvage, flairant l’eau qu’elle allait traverser ; puis l’eau gronda sous un flot de poitrails recouverts de longues crinières ; et, comme poussé par une marée subite pendant l’équinoxe, le fleuve mugit et déborda sur ses deux rives.



CHAPITRE XXV

DES RIVERAINS INCOMMODES.


L’échelle gigantesque sur laquelle la nature américaine a été taillée par le Créateur ; ses cordillères, la plus longue chaîne de montagnes connue ; son sol qui sue l’or, l’argent, le fer ; ses arbres, colosses de la végétation ; les herbes de ses prairies, hautes comme nos jeunes arbres ; ses fleuves de douze à quinze cents lieues de parcours, larges comme des mers ; ses lacs océaniens, enfin ses ports immenses comme celui de San-Francisco, où tiendraient toutes les flottes de l’Europe réunies, tout cet assemblage d’éléments grandioses présage-t-il à l’A-