Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/329

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mérique un degré de splendeur et de puissance supérieur à celui que l’Europe ait jamais atteint ? À tort ou à raison, nous sommes de ceux qui le pensent, s’il est vrai que l’avenir, toujours solidaire du présent, doive glorieusement couronner les efforts audacieux d’un peuple qui, naguère au berceau, a su promptement secouer les langes de l’enfance et qui, dans toute l’ardeur de sa jeunesse, tend chaque jour à devenir grand comme la nature qui l’environne.

À certaines époques périodiques, les fleuves, les cours d’eau des Prairies, et jusqu’à leurs plus minces filets, regorgent de monstrueux saumons, pressés comme nos bancs de harengs et de sardines ; les eaux ne peuvent plus les contenir, elles les rejettent hors de leur sein, et les Indiens errants dans ces plaines sans fin partagent avec les animaux carnivores des déserts la pâture que leur envoie la Providence.

À d’autres époques, nombreux comme les saumons dans les fleuves, des troupeaux de bisons, dont la taille est à celle de nos taureaux ce que le Meschacébé est au Danube, parcourent les Prairies, fuyant devant l’Indien qui les poursuit et devant l’ours gris qui les combat. En vain chercherions-nous dans le monde entier à quels animaux chasseurs on peut comparer l’ours gris. Il n’en est aucun, car sa taille égale presque celle du buffle ; armé de longues griffes acérées comme les défenses du sanglier l’ours gris, sur l’épaisse fourrure duquel la balle du chasseur vient s’amortir, emporte au grand trot dans sa tanière un buffle tout entier. Abattre un de ces colosses terribles est la victoire dont s’enorgueillit le plus le guerrier rouge des Prairies.

C’était une des colonnes voyageuses de buffles que les navigateurs venaient de voir traverser la Rivière-Rouge, à quelque distance de l’endroit où ils avaient fait halte en premier lieu.

« Mon fils croit donc aux rêves et aux présages ? dit